Le voleur d'âmes Chapitre 2 ( 9 )
Le voleur d'âmes Chapitre 2 ( 8 )
" Non, tu comprends, chez moi, tu faisais ça, c’était la fin. T’aurais vu les mecs qui venaient à la maison… Ma mère, c’est pas qu’elle était méchante mais bon, elle avait du mal à résister aux types qu’elle ramenait. Elle nous défendait pas trop, quoi. Jérôme, je m’en occupais. Personne aurait pu le toucher. Mais moi, je me suis pris de sacrées branlées. Alors, l’autre joue, c’est pour les autres, ceux qui risquent rien. A la baraque, l’autre joue, ce serait… je sais pas, genre tu t’en prends une et tu laisses Jérôme s’en prendre une autre… C’était pas possible. Alors sûr, des fois ça faisait mal, mais le mec il avait pas intérêt à venir en bagnole. Parce que je l’explosais sa caisse. Et ni vu ni connu. En général, ils aimaient mieux leur bagnole que ma mère, ils revenaient pas. Y en même un qui a voulu jouer l’incruste … Il m’avait cogné parce que je rentrais trop tard et que ma mère elle arrivait pas à me faire obéir. Il s’est bu quelques cafés à la mort-aux-rats. Il est pas resté assez longtemps pour bien apprécier le service. Il sait pas la chance qu’il a eue… "
Le voleur d'âmes Chapitre 2 (7)
Le voleur d'âmes Chapitre 2 ( 6 )
Les premières étaient efficaces au niveau du discours, genre " tu souffres, t’es pas le seul on connaît ça, on va t’aider " Des paroles comme ça, il en a entendu plein. Bien sûr qu’il est pas le seul à souffrir. Bien sûr qu’elles maîtrisent la question. Bien sûr qu’elles veulent l’aider… Mais une fois que c’est dit, et bien, il y en a d’autres, des souffrants, et le problème, c’est que chacun se croit unique, c’est que chacun voudrait qu’on s’occupe de sa pomme et merde aux autres, aux assistés, aux crevards, tellement crevards que penser à eux c’est du temps perdu, du gaspillage éhonté. Moi, m’dame, je souffre. De la vraie souffrance, comme on en fait tous les mille ans, comme on en fait que dans les livres, les vrais, comme Les Misérables. Non, j’lai pas lu, faut pas exagérer, mais j’ai vu le film. Et bien moi, c’est pareil, mais en pire. Alors si vous m’aidez pas, vous avez qu’à changer de boulot. Vous y connaissez rien.
Chapitre 2 ( 5 )
Le reste, c’était pipeau et compagnie…Des trucs de bourges bien coincés du cul… L’équilibre, c’est un mec dans le lit, une bière dans le frigo et des gamins qui la ramènent pas. Question gamins, avec la mort de Jérôme elle avait résolu la moitié de son problème. Il ne lui restait plus qu’à larguer l’autre. Apparemment, ça ne lui avait pas demandé beaucoup d’efforts. Rémy ne lui en voulait pas. Dans un sens, il la comprenait. Avec toute cette histoire, elle avait acquis un statut irremplaçable : mère éplorée, tigresse en furie qui avait su faire payer le chauffard. Elle n’allait pas tout gâcher en traînant derrière elle un merdeux à moitié infirme. Rémy ne sut même pas si elle était allée à l’enterrement de Jérôme. Personne ne put le lui dire tout simplement parce que personne ne vint le voir. A part les assistantes sociales et l’aumônier de l’hôpital.
Chapitre 2 ( 4 )
Sa mère était revenue à l’hôpital le lendemain. Elle avait encore pleuré un peu sur la jambe de Rémy, beaucoup sur la mort de Jérôme et énormément sur elle. Ces excès lacrymaux terminés, elle était partie pour ne jamais revenir. Elle sortit de la vie de son fils comme il était entrée dans la sienne. Des gémissements, des petits cris de chien battu et, sans doute, un énorme soulagement à la fin de l’histoire. Elle n’était pas méchante, juste un peu égoïste Elle n’avait certainement jamais compris comment elle s’était retrouvée avec ces deux gamins. C’était vraiment le genre de charge qu’elle se sentait incapable d’assumer. L’assistante sociale avait su la convaincre. Vous toucherez des allocations, vos enfants profiteront de votre présence, vous-même en tirerez un certain équilibre, voilà une occasion de trouver votre place dans la société… Rémy, il avait souvent entendu sa mère dire que l’assistante sociale, elle s’était fatiguée pour rien. Le premier argument avait suffi pour enlever le morceau.
Chapitre 2 ( 3 )
- C’est normal, chère Madame… La meilleure défense n’est-ce pas l’attaque ? Ce genre d’individus ne connaît que les rapports de force. Je veillerai à le calmer.
Il secoue sa grande tignasse argentée. Comme l’autre bellâtre, celui qui fait de la politique. Rémy l’a vu, l’autre soir, à la télé. Ce genre de mec, ça doit passer des heures à se donner l’air échevelé et ça remercie tous les jours le ciel de lui avoir prématurément blanchi le poil. C’est tellement plus classe. Le panache… Ne suis-je point poète jusqu’au bout des mèches ? Et sa mère, là, qui en bave presque. Elle va s’en faire péter les jointures à lui agripper le genou comme ça.
- Oui, chère amie ( sourire crispé : il doit craindre l’épanchement de synovie ). Les vautours sont là, toujours, qui guettent. Pour eux, tout est proie. Ne craignez rien, mon jeune ami ( classe, le changement de position : la main a desserré son étreinte, on entendrait presque le genou respirer ), je veille sur vous.
Chapitre 2 ( 2 )
- Mon chéri, regarde, c’est Monsieur Georges, il va nous aider. Il est avocat.
La main de sa mère se pose sur le genou du vieux beau qui essaie vainement de grimacer un sourire. Vu. C’est pas qu’il aime pas les gosses. Peut-être même il a un album de Doisneau dans sa bibliothèque. Mais ce môme-là, il respire et il est en couleurs. Faut pas exagérer. Protéger la veuve, d’accord. Surtout quand elle est bien fichue. Et que l’affaire est susceptible de rapporter pas mal d’argent. Mais l’orphelin… Il y a des gens payés pour ça. Et ils s’en tirent très bien. Chacun son boulot.
Il tapote la main de la mère éplorée.
- Allons, allons, Thér… Madame Julien, ne vous mettez pas dans ces états. Vous verrez, tout ira pour le mieux. Le dossier est solide et ce grand gaillard s’en remettra.
- Oui, mais Jérôme, mon petit Jérôme… C’est pas juste. Et tous ces soucis… On ne s’en sortira pas. C’est pas possible. Monsieur Georges ( pression de la main sur le genou ) on n’a plus que vous. Cet horrible bonhomme qui conduisait la voiture. Toutes les horreurs qu’il a pu dire…